Écoute, Elvi. Le baron est venu aujourd'hui. Sans se faire annoncer, tu te rends compte ? J'étais en train de servir le Seigneur Rabban, et le baron Harkonnen s'est comme... matérialisé dans l'embrasure de la porte. Tu aurais vu cette masse ! Et pourtant, il est entré sans un bruit, flottant dans la pièce telle une pleine lune démoniaque.

Arrivé près de moi, il m'a toisé de haut, et j'en ai été comme pétrifié. Il était si gigantesque ! Mais ce n'était pas le pire. Du coin de l'œil, j'ai vu que le seigneur Rabban, la somme de toutes nos peurs, était lui aussi tout tremblant, comme un enfant terrifié. Le baron dévore tout l'oxygène de la salle, et nul ne peut ouvrir la bouche en sa présence.

Mais lui a fini par parler. Il a évoqué les plans du seigneur Rabban, les disséquant méticuleusement pour pointer du doigt les erreurs criantes et les corriger. Sa maîtrise du langage m'a donné le tournis. Pendant ce temps, je lui servais à boire, puis à manger, encore et encore, tant et si bien que j'ai un instant pensé qu'il allait exploser. Et puis, il a exigé de satisfaire un autre type d'appétit. Il a fallu lui apporter des esclaves dociles, à l'esprit éteint par la drogue.

Quand il en a eu terminé, il est reparti aussi silencieusement qu'il était venu. J'ai apporté du vin au seigneur Rabban, et j'ai vu qu'il sanglotait. C'est ça qui m'a fait le plus peur. Alors, je me suis enfui en courant.

Tu te rends compte, Elvi ? J'ai vu le Monstre pleurer ! Je n'aurais sans doute pas dû...